Les archives occupent une place importante aujourd’hui dans la création littéraire et artistique. Ce ne sont pas ici les méthodes génétiques qui intéressent Nathalie Piégay-Gros, mais la manière dont les écrivains investissent les documents d’archive, les exposent dans la fiction, fabriquent des documents apocryphes. Parce qu’elle semble contenir un secret, l’archive peut être un objet romanesque, quel que soit son aspect poussiéreux, fragile. C’est en effet souvent par sa négativité que se caractérise l’archive à notre époque, alors même que nous sommes passés d’un paradigme de la rareté à celui de l’accumulation. Alors que tout semble pouvoir être archivé et conservé, l’archive ne cesse de manquer, d’indiquer ce qui, en elle, se dérobe. C’est que le présent est non seulement hanté par le passé mais plus encore par les modifications profondes de la mémoire. Le passé semble immédiatement et constamment disponible, si bien que le présent se projette avec inquiétude dans l’image de ce qu’il aura été. C’est ce futur antérieur de l’archive que Nathalie Piégay-Gros envisage avec Claude Simon, Robert Pinget, Pierre Michon, Christian Boltanski et quelques autres.
Nathalie Piégay-Gros, ancienne élève de l’École normale supérieure de la rue d’Ulm, est agrégée de lettres modernes et professeur des universités. Elle enseigne la littérature française du XXe siècle à l’Université Paris Diderot où elle dirige le Centre d’Études et de Recherches Interdisciplinaires de l’UFR Lettres, Arts, Cinéma (CERILAC). Elle a travaillé sur le roman et le romanesque du XXe siècle, sur le surréalisme et sur les œuvres de Louis Aragon, Claude Simon et Robert Pinget, en particulier. Elle a publié, outre des articles sur ces auteurs et ces questions, Aragon et la chanson (2007), L’érudition imaginaire (2009), Robert Pinget. Matériau, marges, écriture (avec Martin Mégevand, 2011). Elle a édité La semaine sainte d’Aragon (Bibliothèque de la Pléiade, 2008) et Mahu reparle de Robert Pinget (avec Martin Mégevand, 2009).